« Intime conviction »
Nous inaugurons un nouveau cycle autour des questions de justice cette fois. Pour la première édition nous nous intéresserons à la notion d’intime conviction* en vous proposant d’assister à deux procès, en deux jours puis d’en débattre avec des professionnels de la justice.
Vendredi 23 mai à 20h
Le verdict d’Article 353 du code pénal est-il un acte de justice ?
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l’ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec. Il faut dire que la tentation est grande d’investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer.
Le récit de Kermeur, dans ce roman dresse le constat accablant d’un monde dérégulé (les fameuses “années Tapie”) où les lois, loin d’être les gardiennes de l’équité, ne seraient qu’armes à la disposition des dominants. Le roman peut ainsi susciter une prise de conscience citoyenne contre l’injustice et la violence d’une société pseudo-égalitaire, où l’on fait miroiter aux prolétaires les délices de la consommation, mais où un ancien ouvrier de chantier naval ne pourra jamais devenir le bienheureux propriétaire d’un appartement avec vue sur mer dans “le Saint-Tropez du Finistère” une société marquée par une lutte des classes d’autant plus sourde et pernicieuse que les dominés ont renoncé à se révolter.
MAIS, Les dés étaient-ils aussi pipés que Kermeur le prétend ?
Un règlement juridique n’aurait-il pas été, pour le personnage, bien plus satisfaisant que l’extrémité meurtrière à laquelle il s’est résolu ?
Est-ce parce qu’il savait effectivement que toute tentative de passer par le droit était vouée à l’échec pour Kermeur que le juge lui a donné raison ?
L’Article 353 du code pénal postule que le verdict sera collégial, il en appelle à l’intime conviction de chacun.
Et vous, avez-vous une intime conviction ?
- L’intime conviction est
le principe de jugement
qui guide les juges et
jurés afin de déterminer
la culpabilité et la
responsabilité de l’accusé
dans l’acte qui lui est
reproché.
Samedi 24 mai à 17h
Saint-Omer
Procès d’une mère infanticide
Au-delà des faits avérés, quelle est la véritable responsabilité de l’accusée ?
« Il est 16 heures, ce vendredi 6 décembre 2013. La nuit tombe déjà sur le cimetière de Capécure, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Quelques personnes se pressent dans le froid devant une petite tombe du carré des indigents. Adélaïde, 15 mois, est enterrée sous X : elle n’a pas d’état-civil. Ses grands-parents ont découvert son existence en apprenant sa mort. Leur fille de 36 ans, Fabienne Kabou, est accusée d’avoir abandonné son enfant à la marée montante sur une plage de Berk-sur-Mer, trois semaines plus tôt »
Après avoir été condamné une première fois à 20 ans de prison Fabienne Kabou fait appel de ce jugement et verra sa peine ramenée à 15 ans. Fabienne Kabou est entrée à la cour d’assises en Médée et ressortie en malade. Néanmoins Les dépositions des psychiatres, appelant la cour et le jury à se défaire de leur
jugement psychologique au profit d’un constat pathologique – substituer à la « menteuse invétérée » le cas clinique « historique » d’une malade victime de paranoïa délirante – ont moins pesé que l’effarement ressenti à la découverte de l’ampleur de ses mensonges, même si le verdict reconnaît à Fabienne Kabou la circonstance atténuante de l’altération de son discernement.
Inspiré de ce « fait divers » le film d’Alice Diop raconte Rama, jeune romancière qui assiste au procès de Laurence Coly (Fabienne Kabou) à la cour d’assises de Saint-Omer. Au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama, Une mise en abyme vertigineuse se déploie, entre l’accusée et l’héroïne et interroge notre jugement.
Et vous, aurez-vous une intime conviction ?